Thursday, November 20, 2008

Extrait d'un entretien d'une militante écologiste

Voici un extrait d'un article de presse. Cet interview d'une militante écologiste a retenu toute mon attention :-

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" C'est la fin de l'économie industrielle ; c'est la fin de l'énergie à bon marché "

Vous revenez d'une conférence sur la crise de l'énergie et des ressources naturelles. Pouvez-vous nous en parler ?
Je suis allée aux États-Unis, fin octobre pour une conférence sur la déplétion des ressources pétrolière, la diminution des ressources naturelles et le changement climatique. L'objectif était de prendre la mesure du défi et d'envisager des solutions.


Cela correspond au concept Maurice île Durable…
Oh là, vous me faites bondir ! Qu'est-ce donc que ce développement qu'on appelle durable ? Le développement ne peut pas être durable parce qu'on a déjà atteint les ultimes limites soutenables du saccage des ressources, parce que, dès 1956, King Hubbert avait annoncé le pic pétrolier qui a frappé les États-Unis en 1970. Cela veut dire qu'on a atteint le sommet maximal de la production pétrolière. Nous abordons actuellement la descente et l'extraction sera plus difficile. Beaucoup de régions du monde ont déjà atteint, voire dépassé, leur pic d'exploitation. Nous allons vers une crise énergétique mondiale. Notre modèle de développement dans cette économie industrielle, qui a pour moteur la croissance, a déjà atteint son crépuscule. Il ne faut pas se laisser leurrer par la baisse du prix des produits pétroliers ces dernières semaines ; elle n'est que conjoncturelle. Comme les gens veulent toujours s'inscrire dans cette fuite en avant et croire que demain sera toujours meilleur, tout le monde baigne dans cet optimisme béat. Tou korek, tou pou korek, kan mo la, ki ou per ? Lorsque les dirigeants adoptent une telle attitude, c'est un acte criminel.


Est-ce une conférence américaine qui vous amène à tenir de tels propos ?
Depuis 2000, avec des amis, nous nous sommes employés à réfléchir, à analyser, à penser, nous inspirant de tout ce que des chercheurs, des scientifiques, des géologues ont publié depuis au moins trente ans. Même le Club de Rome, lorsqu'il a commencé, a annoncé les prémices de la catastrophe. Mais on veut jouer aux abonnés absents. On veut écarter les mauvaises nouvelles et toujours repousser à plus tard les échéances catastrophiques. J'utilise des mots assez faibles par rapport à toute cette nouvelle phase dans laquelle nous entrons. Nous ne vivons qu'une période de transition. Cela a été confirmé dans les débats et discussions dans les débats que nous avons eus à cette conférence. C'est la fin de l'économie industrielle ; c'est la fin de l'énergie à bon marché, malgré la petite embellie de ces dernières semaines. Il ne faut pas se tromper.


Qui étaient les participants à cette conférence ?
Il y avait un public très varié : des scientifiques comme des géologues ; des économistes ; des chercheurs pluridisciplinaires ; des écrivains ; des militants de la cause écologique ; des journalistes ; des travailleurs sociaux ; des écologistes. Ce sont des gens qui ont embrassé cette question depuis quelque temps et qui sont engagés dans la réflexion et dans l'action depuis un certain nombre d'années face à ces défis vitaux extrêmement urgents.


Vous dites que la conférence était axée sur les ressources pétrolières et naturelles ainsi que sur les changements climatiques ?
Tout à fait. La partie est finie. C'est la fin de l'économie telle qu'Adam Smith l'avait entrevue au XVIIIe siècle, ce qui nous a fait croire que les ressources étaient illimitées et qu'on pouvait appréhender dans une perspective infinie l'économie et le modèle de vie que nous connaissons actuellement.
Depuis quelques années, des chercheurs, des gens qui pensent, des analystes, font comprendre que la biosphère ne peut plus supporter toutes les agressions que nous lui faisons subir, en raison d'un modèle de développement - appelons-le ultralibéral - qui a épuisé toutes les ressources, qui a créé un tel degré de pollution que la santé d'une multitude d'humains a été affectée. On a porté atteinte à la qualité de l'air à la qualité de l'eau et à la qualité de la vie. C'est le résultat de cette économie basée sur la consommation à outrance. Les beaux jours de ce modèle sont derrière nous, avec la crise énergétique, la crise économique, dans un contexte de crise sociale, avec des riches de plus en plus riches et des pauvres de plus en plus pauvres, cela ajouté à toutes les menaces de catastrophes, de montée de la mer, de réchauffement climatique… Des participants à la conférence ont parlé de la nécessité de mettre en prison tous ceux qui continuent à faire croire, à leurrer les gens avec cette idée que la croissance va pouvoir résoudre les problèmes sociaux ; que la technologie va pouvoir résoudre la crise écologique. La conférence à laquelle j'ai participé, accueillie par une université américaine, est arrivée à une troisième phase de sa réflexion. La première, il y a cinq ans, était qu'il fallait réduire notre consommation énergétique ; la deuxième phase, il y a trois ans, prônait le recours aux énergies renouvelables et maintenant les conférenciers parlent de retour à l'économie locale, à l'économie communautaire pour répondre aux besoins des gens là où ils vivent. Ce qui est extraordinaire, c'est la multitude d'éco-villages, de fermes communautaires et de personnes qui utilisent des produits "bio", qui évitent le transport des produits. Ils ont compris l'enjeu. Ils commencent à donner des réponses communautaires locales à ces défis extrêmement urgents. Ici, nous continuons à dire que tout est correct…


Que faut-il donc faire ?
Dire la vérité aux gens, les informer les gens, les mettre au courant du fait que nous sommes arrivés au crépuscule du fameux développement. À Maurice, on parle de Rs l, 3 milliard pour le développement de Maurice Ile Durable mais, en même temps, on va consacrer Rs 600 M pour la construction d'une centrale à charbon. Est-ce que cette petite Ile Maurice peut se permettre ce luxe ? Où sont les projets éoliens, photovoltaïques, etc ? Lors d'une conférence de Joël de Rosnay au MSIRI, il a été amené à dire, grâce à des questions, que la croissance infinie n'est plus à l'agenda parce que nous sommes confrontés à la réalité des faits, soit la finitude de toutes les ressources. On lui a demandé comment il réconciliait le fait qu'alors qu'il parle de la raréfaction des ressources naturelles il parlait en même temps de Maurice Ile Durable qui a pour moteur la croissance avec son modèle de développement. On lui a fait remarquer que si les ressources pour le développement ont des limitations, automatiquement la croissance ne pourra pas continuer sur une courbe ascendante. Elle plafonne et elle finira dans une courbe descendante. Donc, il faut dire la vérité aux gens. Il a acquiescé et a reconnu que la réponse était dans la question et a dit que l'interlocuteur avait raison de dire qu'on ne peut parler de développement durable parce que les ressources sont épuisées et qu'il y en aura de moins en moins et que la croissance ne maintiendra pas une ligne ascendante.
Il aurait fallu engager tout le monde dans une dynamique de réflexion, de remise en question de notre modèle, de remise en question de notre style de vie et dire aux gens que cela va être dur et qu'il faut que nous nous retroussions les manches ensemble parce qu'on va faire face à beaucoup de problèmes. Il faut arrêter la politique de langue de bois, il faut mettre les Mauriciens devant les faits, et les embarquer dans une dynamique de mobilisation à la base.


Qu'est ce qui va alimenter cette dynamique… ?
Il faut changer notre échelle de valeurs. Il faut retrouver nos valeurs d'origine. C'est ce que font ceux que nous avons visités dans les fermes communautaires aux États-Unis. Comment vivaient nos grands-parents. Ils vivaient dans la proximité, dans le respect de la nature. Il vivait des produits du terroir. Ils n'allaient pas chercher à l'autre bout du monde ce qu'ils consommaient ; ils le produisaient et n'abîmaient pas les éléments ou l'air. Ils vivaient avec un esprit de coopération, d'échange, une culture de la transmission aux enfants : mon père a appris de mon grand-père comment biner la terre, faire des plate-bandes, faire un élevage, etc. Il faut qu'on se dise qu'on ne peut pas continuer comme avant, que les dés sont jetés et que nous avons perdu trop de temps. La catastrophe nous pend au nez à moins qu'il y ait un sursaut national dans chaque pays.


Vous parlez donc d'un mouvement écologique…
Tout à fait, dans le sens où l'écologie implique l'économie, le social, l'environnement. Tout est connecté. Dans l'économie, il faut des énergies. Sur ce plan de l'énergie renouvelable, Maurice est très en retard par rapport à La Réunion. Pour que les gens aillent au travail, il faut du transport, il faut qu'ils mangent. Tout cela est menacé en même temps. La nourriture est menacée parce que Maurice est un net food importer. Lorsque le pétrole sera à US $ 500, qui pourra acheter son bol de riz ?


La solution alimentaire peut aussi être régionale ?
Il faut d'abord retourner au développement endogène. Il faut voir où on en est aujourd'hui. Comment on en est arrivé là ? Au moment de l'indépendance, on n'a pas pensé à nos besoins par rapport au développement agraire, on n'a pas pensé à produire plus. Pourquoi est-on entré si vite dans la dimension de l'agriculture intensive ? Où sont ces réseaux de jeunes fermiers, ces petites cellules de production familiale ? Que ferons-nous le jour où les cargos ne pourront plus apporter notre nourriture de base ? Vous entrevoyez le potentiel d'agressivité et de violence qui nous menace dans un très prochain avenir. Comment cela va être géré ? Par des lois de plus en plus sécuritaires ?


Qu'est-ce que vous proposez ?
Je propose d'abord et avant tout une mise à plat de toutes ces questions d'urgence, un état de la situation, un plan de réflexion qui articule la réflexion nationale au niveau des régions ; c'est-à-dire au niveau des districts, des municipalités. Une mobilisation générale.


Qui va prendre cette initiative ?
Les dirigeants des partis politiques ont démissionné devant leurs responsabilités et continuent à nous parler de politique politicienne. Ce sont les premiers coupables et ils méritent d'être sanctionnés s'ils continuent dans leur denial. S'ils ne veulent pas prendre conscience, que le peuple se réveille, bon sang ! Leve do mo pep. Nous faisons notre maximum. En quatre ans, nous avons fait plusieurs conférences à Rose-Hill pour expliquer les questions évoquées aujourd'hui. Nous avons fait des dizaines de réunions de réflexion ; deux conférences et un symposium à Port-Louis. Nous n'arrêtons pas d'aller sur le terrain, comme avec le forum lepep, pour apporter nos matériaux de sensibilisation, etc. Le travail que nous faisons n'est pas valorisé parce que nous ne sommes pas economically correct. Il est vrai que notre petit nombre de personnes grandit. Il faut une prise de conscience générale.


Vous revenez d'un pays qui est le principal pollueur de la planète, qui n'a pas adhéré au protocole de Kyoto, dont le développement est basé sur la croissance économique… Avez-vous constaté une prise de conscience ?
Depuis longtemps, les gens qui ont participé à la conférence ont une attitude de recul et une analyse très critique de tous ces mauvais choix. Il ne faut pas amalgamer un gouvernement ultralibéral et des citoyens qui ont pris conscience de leur responsabilité dans l'économie mondiale et qui ont fait leur mea culpa, acceptant de revoir leur manière de vivre, de se déplacer. Ce n'est pas un hasard si un hommage spécial a été rendu à Cuba pour avoir réussi à survivre à l'embargo américain grâce à une économie communautaire. Le covoiturage est chose courante. Nous avons mangé dans des restaurants écologiques et avons mangé bio.


Votre présence aux Etats-Unis coïncidait avec la fin de campagne électorale et l'élection présidentielle. Avez-vous eu l'occasion de voir cela de plus près ?
Accidentellement, j'ai eu ce bonheur. La conférence terminée, j'ai eu l'occasion de suivre les temps forts de cette campagne électorale. J'ai eu la chance de suivre les élections dans un groupe d'observateurs, avec des juristes engagés dans la défense des droits des électeurs et qui ont pour responsabilité de faciliter la tâche des électeurs.


L'élection de Barack Obama a-t-elle été ressentie comme une véritable volonté de changement ?
L'aspiration du peuple était au changement, pour la réorientation de l'économie, pour la prise en compte de tous les accidentés du système économique, pour la prise de conscience de la crise énergétique, climatique, sociale, financière et boursière. On pouvait sentir l'aspiration à un changement de paradigme global. Nous ne pouvons que souhaiter bonne chance à Barack Obama.


Un dernier mot…
Karay so ! Attelons-nous à la tâche tout de suite. Essayons de voir ce que nous pouvons faire pour protéger ce qui nous reste de la qualité de l'air, de l'eau. Au lieu de gaspiller notre temps, notre énergie, retrouvons en nous cette force intérieure qui va nous amener à nous rapprocher de nos voisins, à reconstruire les liens sociaux, à créer des réseaux de production agraire, d'élevage et de partage. Prônons-le covoiturage. Apprenons la sobriété.
Nous ne sommes qu'une petite Ile menacée par la montée des eaux et le changement climatique. Arrêtons de produire autant de déchets. Commençons à planter ce que nous consommons. Mettons un frein à cette consommation_ effrénée et réapprenons à vivre simplement. Il faut que les gens réalisent que soit nous nous inscrivons dans une stratégie de survie collective, soit nous périssons tous. J'invite aussi les politiciens mauriciens à cesser d'être des marchands de rêve. S'ils ne savent pas comment faire, mon équipe et moi sommes prêts à faire leur formation. Je dis à la classe politicienne : halte là avec cette propension à vendre du rêve et à faire croire qu'ils sont des Zorro avec une baguette magique ! Alors qu'ils ne prennent que des décisions qui sont en train de handicaper le lendemain et mettre en danger l'avenir des enfants de cette Terre.

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